Découverte dès le 19ème siècle, l'hormone « vasopressine » n'a pas encore livré tous ses secrets. Si ses rôles dans la régulation des fonctions urinaires et de la pression sanguine sont aujourd'hui bien connus, il en va tout autrement de son implication dans le contrôle des fonctions cognitives, telles que : la mémoire, le comportement social, l’empathie, la réponse au stress, l’anxiété. Les chercheurs savent que l'hormone agit sur ces fonctions mais ils ignorent son site d’action exact dans le cerveau.

Or une équipe de recherche française (Institut de génomique fonctionnelle, Montpellier/France) a publié des travaux majeurs, lui permettant d’affirmer : « Nous avons identifié une molécule qui va enfin permettre de localiser, chez le rat dans un premier temps, les zones cérébrales où la vasopressine agit pour contrôler l'anxiété ». Afin de comprendre toute l'importance de ces travaux, il faut savoir que la vasopressine régule la fonction urinaire et la pression artérielle en se fixant sur deux protéines réceptrices à la surface des cellules, respectivement les récepteurs V2 et V1A. Son action sur l'anxiété et la dépression est, quant à elle, modulée par un autre récepteur appelé V1B. Or, la molécule étudiée par ces chercheurs a justement le pouvoir de se fixer spécifiquement sur ce dernier récepteur et non sur les deux autres, comme la vasopressine. « C'est cette spécificité qui rend notre molécule si intéressante pour la localisation des régions cérébrales où la vasopressine module la dépression », souligne l’équipe de recherche.
Synthétisée chimiquement par des scientifiques américains (université de médecine de Toledo, Ohio/USA), cette molécule est dérivée de la vasopressine naturelle. Autre particularité : elle est capable de mimer l'action de cette dernière. C'est ce que les pharmacologues appellent un « agoniste ». L’équipe de recherche, avec la participation d’un enseignant-chercheur de l’ENSB, a montré sa capacité à se fixer spécifiquement sur les récepteurs V1B, via plusieurs tests pharmacologiques. En effet, en injectant l'agoniste (marqué par radioactivité) à des cellules, ils ont déterminé que sa force de liaison sur les récepteurs V1B est 100 fois plus importante que pour les deux autres récepteurs de la vasopressine (V2 et V1A). Par la suite, le traitement de cerveaux de rat à l’aide de l’agoniste marqué avec une molécule fluorescente, a permis de mettre en évidence les différentes régions du cerveau qui présentent les récepteurs V1B et qui seraient impliquées dans plusieurs processus comportementaux. À terme, ces travaux s’avèrent très prometteurs à la mise au point de nouveaux traitements de la dépression en particulier, un des maux majeurs des temps modernes. Une voie nouvelle et porteuse est désormais ouverte à ce challenge.

 

 

Hippocampe de souris en coupe sagittale : marquage des V1B à la d[Leu4, Lys(Alexa647)8]VP (en violet) Corbani et al J. Med. Chem. 54 (8), 2011

 

 

 

 

Dr. Marir Rafik